Adaptation libre

19 juin 2018

Cécile, son père et sa jeune compagne ont loué une villa au bord de la mer. C’est l’été, il fait chaud et tout est beau. Mais l’arrivée d’Anne dans ce havre d’oisiveté risque de bouleverser l’ordre établi. 

    Il y a quelque chose de présomptueux à vouloir adapter un roman aussi culte que Bonjour Tristesse en bande dessinée. Masochiste aussi, tant la tâche s’avère ardue. Comment retranscrire les tourments intérieurs de Cécile par le dessin ? Comment mettre en image la relation si subtile et complexe de Cécile et son père ? Et surtout comment en faire un récit rythmé, pas trop bavard, où le dessin tient le premier rôle ?

«Le procédé tient plus du mashup que de l’adaptation»

    L’auteur Frédéric Rébéna réussit avec brio cet exercice périlleux en faisant des choix draconiens, supprimant des passages importants et distordant le temps. Les phrases du roman sont coupées, déplacées et remontées. «Les baisers s’épuisent» confiait Cécile à son amant Cyril dans le texte de Françoise Sagan. Cette même phrase figurera bien plus tôt dans la BD et sera adressée cette fois au couple de vieux formés par Anne et le père de Cécile. Le procédé tient plus du mashup que de l’adaptation, mais démontre que l’auteur a parfaitement absorbé l’œuvre originale, et réussi à s’en détacher suffisamment pour raconter la même histoire dans une version plus actuelle et adaptée à son nouveau format.

«Corps longilignes et regards tristes»

    On pourrait reprocher à Frédéric Rébéna d’avoir désincarné ses personnages, les avoir montrés plus ternes, plus distants, moins passionnés que dans l’œuvre originale. Le choix s’avère au contraire judicieux et permet d’économiser du texte, de gagner en rythme et d’y ajouter une tension constante.

    Le dessin rappelle les œuvres de Guido Crepax avec ces corps longilignes et ces regards tristes. On pense aussi au dessinateur Brüno, pour le visage d’Anne notamment. 

    Alternant très gros plans et vues plus larges, on assiste fasciné à un véritable ballet où chaque protagoniste glisse à tour de rôle d’un partenaire à l’autre. Parfois, un troisième personnage, en second plan, assiste impuissant à la scène, attendant son tour pour entrer dans la danse. 

    Sans doute l’adaptation de Frédéric Rébéna ne respecte pas assez le roman. Son auteur semble trop obsédé par l’idée d’en faire une bonne BD, et c’est très bien ainsi.

Bonjour tristesse de Frédéric Rébéna, aux éditions Rue des Sèvres