Le week-end dernier, GRRIF vous proposait de redécouvrir une centaines d’artistes féminines qui ont marqué l’histoire de leur empreinte soul. Impossible de les citer toutes, mais on vous offre un petit aperçu de quelques légendes du genre, avant de vous donner rendez-vous pour un prochain week-end musical thématique les 13 et 14 mai prochains. On a hâte.
1. Aretha Franklin, « Respect »
Respect, un hymne féministe ? Pas du tout. C’est Otis Redding qui sort le morceau original en 1965 : on a alors un tout autre sens, machiste par excellence. Deux ans plus tard, Aretha Franklin s’empare du morceau et en inverse les codes. Et c’est sa reprise que l’histoire retiendra comme la version standard. R-E-S-P-E-C-T. S’il vous plaît.
2. Nina Simone, « Backlash blues »
Ses concerts sont des événements à chaque fois, marqués par le caractère sanguin de Nina Simone, celle qui voulait devenir pianiste classique mais à qui on a fermé la porte, probablement à cause de sa couleur de peau. En Suisse, on se souvient particulièrement de sa performance aux 10 ans du Montreux Jazz Festival, en 1976. En pleine forme, elle propose une heure de show sauvage. Elle fait des blagues et s’énerve avec son micro : l’assistant technique a passé un sale moment. Avec Nina Simone, on ne sait jamais à quoi s’attendre.
3. Etta James, « Something’s got a hold on me »
Rockeuse soul, Etta James n’est jamais rentrée dans le moule: trop blanche pour être noire, trop ronde, trop maquillée, la chanteuse est en avance sur son époque, soufflant un vent de féminisme décomplexé sur une Amérique pas prête pour ça au début des années 1960. Chez Etta James, tout dépasse, y compris sa voix, rageuse et râpeuse, qui ouvrira le bal pour une foule de suivantes, de Janis Joplin à Amy Winehouse, en passant par Tina Turner.
4. Marlena Shaw, « Woman of the ghetto »
Si Marlena Shaw réussit à se faire un nom et à être invitée au Montreux Jazz Festival en 1973, ses morceaux finissent bien vite dans les bacs de disques obscurs et oubliés. Mais c’est justement là que des DJ du Royaume-Uni se servent, pour dénicher des perles et faire groover les clubs soul de l’époque. Marlena Shaw se fait une belle place dans ce monde confidentiel de diggers. Mais il faut attendre 1997 pour qu’elle explose, à travers Blue Boy qui sample Woman of the Ghetto dans son célèbre Remember Me, immense succès commercial. Et en 2001, St-Germain sample lui aussi un échantillon de ce morceau dans le titre Rose Rouge. Hop, les disques de Marlena Shaw sont tous sortis du ghetto pour être réédités dans les années 2010.
5. Sharon Jones, « Retreat »
Les maisons de disques l’ont toujours refoulée: pas assez belle, pas assez star system. Mais elle ne baisse pas les bras, et ça finit par payer. Le label Daptone Records signe avec elle en 2002. Sharon Jones démarre sa carrière cette année-là, elle a 46 ans. 11 ans plus tard, on diagnostique un cancer du pancréas à Sharon Jones, qui se bat comme une diablesse contre cette maladie, enchaînant les disques et les concerts, dont une performance aux Docks de Lausanne en 2016, juste avant son décès. Une vraie leçon. Sharon Jones est une bête de scène à la voix de velours, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait la survivante de la soul.
6. Amy Winehouse, « Valerie »
En 2006, le monde entier découvre Rehab, scandé par une chanteuse provocatrice au look diablement rétro. Une chanteuse oubliée ? Non, Amy Winehouse. Elle fait de la soul comme on la faisait à l’époque, avec son grain de voix qui donnerait des frissons au plus insensibles d’entre nous. Sa carrière est aussi fulgurante que sa chute, d’intox en désintox, de paparazzis en concerts inégaux, Amy Winehouse décède d’une overdose d’alcool à l’âge tragiquement symbolique de 27 ans, déjà bien amochée par son train de vie. Mais les deux albums qu’elle laisse derrière elle la rendent immortelle. La reprise de Valerie, morceau des Zutons, aussi. C’est son plus gros succès en single.
7. Pam Grier, « Long time woman »
On considère Pam Grier comme la première vedette noire du cinéma américain, elle réalise elle-même ses cascades et fait de l’ombre aux rôles masculins. Et en plus d’être actrice, elle chante bien. Elle a d’ailleurs enregistré le morceau Long Time Woman pour Big Doll House, film de 1971 qui retrace l’histoire de plusieurs femmes badass qui s’échappent d’un pénitencier. En 1997, Tarantino, qui a vu tous ses films, rend hommage à Pam Grier en lui offrant le premier rôle de Jackie Brown. Et en plus, le réalisateur intègre Long Time Woman dans sa BO.
8. Lauryn Hill, « Mr. International »
Vu son passif avec les Fugees et son premier album solo, Lauryn Hill semblait prédestinée à révolutionner surtout le rap. Mais en 2002, elle participe au MTV Unplugged 2.0 et nous sort un disque plein de grâce, avec sa guitare acoustique et sa seule voix pour nous ensorceler. Elle avait commencé à préparer le terrain avec sa reprise de Killing me softly et son hommage gospel dans Sister Act 2, mais là, c’est un répertoire entier de chant qui vient nous caresser. Le rap est toujours présent, mais c’est bel et bien une soul woman qui nous invite dans son salon feutré.
9. Solange, « Don’t touch my hair »
Dans la famille Knowlès, il y a Beyoncé. Mais il y a aussi sa sœur, Solange. Plus discrète, plus soul. En 2016, elle sort Don’t Touch My Hair, « Ne touche pas à mes cheveux ». Le morceau fait beaucoup de bruit et dans la presse musicale, on l’interprète comme un grand hymne militant, un hymne à l’intégrité de la femme noire, et de la femme tout court. Avec une rage très contenue et sublimée par la musique. Une vraie prouesse, qui flirte avec le jazz.
10. Ibeyi, « River »
On sait la part importante que le gospel a transmis à la soul. Certaines ouvrières du genre lui ont pourtant aussi apporté des influences d’autres spiritualités. C’est le cas d’Ibeyi et de leur héritage yoruba. Ibeyi, ce sont donc deux sœurs jumelles, Lisa-Kaindé et Naomi Díaz, filles du percussionniste cubain Anga Diaz du Buenavista Social Club. En marge de la soul que l’on connaît, issues d’une jeune génération qui n’a plus peur de faire péter les formats, les soeurs sortent River en 2014. Et nous rappellent que le gospel et la chrétienté afro-américaine trouve aussi ses racines dans le voodoo et tous les cultes africains importés aux Amériques avec l’esclavage.