Le 8 novembre 1971, un nouvel album arrive sur le marché du disque. Il en décontenance plus d’un. Il ne contient aucune information. Pas de titre, pas de nom de groupe. Sur sa pochette, un cadre, avec à l’intérieur, un vieillard qui porte un fagot de paille. Et c’est tout. Ce disque, c’est une bombe et c’est le 4e album de Led Zeppelin. Aujourd’hui encore, il fait partie des 10 albums les plus vendus au monde.
Une construction redoutable
Chacune des deux faces contient deux titres puissants qui laissent place à des ballades plus folk, dans une alternance violence-accalmie, qui sera souvent reprise chez les générations futures du rock. On est scotché dès les premières secondes, avec une ouverture de bulldozer sur « Black Dog », morceau inspiré de Fleetwood Mac. Quant à « Stairway To Heaven », il est considéré soit comme une merveille, soit comme un titre mièvre et grandiloquent. Inspiré de « Taurus », morceau de Spirit, il est sans doute le titre le plus joué sur les radios rock américaines, avec son final de feu d’artifice. Robert Plant y voit une foutue chanson de mariage. Jimmy Page lui préfère « When the levee breaks », la pièce épique du disque. Son rythme, quasiment impossible à reproduire en live, a été énormément samplé : par les Beastie Boys sur « Rhymin and Stealin », Björk sur « Army of Me », et Massive Attack sur « Man Next Door ». Le morceau qui signifie « Quand la digue cède » fait référence à la crue du Mississippi de 1927, l’inondation la plus spectaculaire de toute l’histoire des États-Unis. La langueur du rythme, obtenue grâce à pas mal d’effets techniques, évoque que la digue pourrait lâcher à tout moment, dans une tension sonore brillante.
Une acclamation unanime
Les critiques se mettent toutes d’accord pour noter sa qualité indéniable, et le public est d’accord. En témoignent les dizaines de millions d’exemplaires vendus. Depuis, « Led Zeppelin IV » est régulièrement cité comme l’un des meilleurs disques de tous les temps, et comme le volet central de l’œuvre du groupe. Le hard rock, le métal, le stoner, tous les sous-genres du rock qui revendiquent la culture du riff se sont, à un moment ou à un autre, mesurés à ce disque.
Une révolution musicale
Au début des années 1970, Led Zeppelin annonce une nouvelle ère pour le rock, qui va de plus en plus durcir son son. Les Beatles, les Rolling Stones et les hippies ont fait leur temps. La contre-culture des années 1960 est morte, et Led Zeppelin représente ce tournant crucial. Détachés des considérations sociales et politiques, Led Zeppelin est un groupe brutal, furieux et terriblement efficace. Il remplit les stades et se remplit les poches, plus que Deep Purple, Black Sabbath et même les Rolling Stones, qui vont se mettre à copier eux aussi ce son brutal. Les sommes d’argent accumulées par Led Zeppelin sont une véritable obsession pour les médias: «Led Zeppelin : comment ont-ils gagné 37.000 dollars en une nuit ?», peut-on lire en 1969. Le rock avait autrefois été un art au service de l’explosion de la génération adolescente, un art au service de la révolte : Led Zeppelin cristallisait maintenant l’art du rock au service du gros son.