Batteur de Magic & Naked, Augustin von Arx vient de sortir Les Jardins Omni. Un magnifique premier album paru le sur le label Cheptel Records. Entre sons surannés et visuels de plantes futuristes, Augustin von Arx nous parle de son premier projet solo
GRRIF : Peux-tu nous présenter Les Jardin Omni ?
Augustin von Arx : C’est mon petit projet « récréation ». Je l’ai commencé pendant le confinement, j’avais enfin du temps libre pour faire ce que j’aime le plus , c’est à dire composer des mélodies, transcrire des sentiments dans une autre langue et essayer de voyager en fermant les yeux dans un univers dont nos oreilles sont les seules bâtisseuses. Je me suis donc bien amusé avec ce jouet qu’est l’omnichord qui intègre une boîte à rythmes. En revanche faire de l’édition sur une piste qui comprend une rythmique, une mélodie et des notes assez hasardeuses avec la harpe, c’est un enfer… Donc j’ai dû rentrer la track en entier, du début à la fin sans rature. Après, j’ai fait écouter ces squelettes à des ami.e.s comme Mélissa Kassab ou Robin Girod et ils m’ont fait comprendre que c’était plutôt joli et que ça valait la peine d’aller plus loin!
Ton projet est assez étonnant et différent de ce que tu as pu faire avec Magic & Naked et Le Roi Angus. Tu étais à la recherche d’une musique plus apaisante ?
En fait, je suis quelqu’un de très calme. J’écoute beaucoup de musique brésilienne, de musique classique, de vieux jazz et aussi plein d’autres styles. Avec Les jardins d’Omni j’ai cherché à faire quelque chose de plus calme, quelque chose que je ne pouvais pas faire avec un quatuor rock. J’ai aussi cherché à m’occuper pendant cette période de confinement.
En fait j’ai adoré voir la société à l’arrêt et déroutée par la pandémie. Je rêvais de voir comment l’humanité allait rebondir et évoluer… même si maintenant je suis triste de voir que rien n’a changé. Mais j’ai surtout aimé prendre le temps de faire les choses que j’aime avec aucune contrainte de stress ou autre. Ça m’a beaucoup apaisé !
Qu’est-ce que tu as ressenti au moment de la création de ton premier projet solo ?
De la liberté ! Dans mes autres projets, même si j’avais la place pour porter des compos ou proposer des idées d’arrangements, je restais derrière un instrument rythmique à taper sur les tambours. J’ai toujours ressenti le besoin de me lier d’amitié avec la mélodie, les harmonies. Je trouve tellement beau de pouvoir créer des morceaux, d’être libre de faire un si bémol après un ré ou de rester sur le même accord pendant 20 minutes. Il n’y a pas de règle, tu fais ce que bon te semble et il faut simplement comprendre ce que ton corps et ton esprit ont envie d’entendre, et puis tu le reproduis avec des instruments !
Pour une fois, j’étais seul à pouvoir guider le morceau vers un état émotif. Il n’y avait pas de discussion pour savoir si c’était bien ou pas, j’extériorisais mes émotions par la musique et cet exercice m’a fait beaucoup de bien. C’est assez thérapeutique : être seul face à l’infini des possibilités et devoir se cadrer pour avancer, savoir s’écouter et croire en ce que tu fais…
En fait, je cultivais en moi une envie intense de pouvoir enfin m’exprimer et prendre la place que je laissais aux autres lorsque je les accompagnais à la batterie ! C’est pourquoi je n’ai rencontré aucune difficulté, c’était le bon moment et c’est sorti tout seul !
Chaque titre est accompagné par un visuel… botanique. C’est plutôt inattendu !
J’ai une passion pour les dessins d’encyclopédies botaniques, les dessins techniques et les livres d’explorateurs botaniques. Je suis tombé sur une mini exposition sur Carl von Martius, un explorateur allemand qui est allé découvrir la flore du brésil et qui a fait tout un travail sur les palmiers. Et j’hallucine de la beauté de ses dessins et de la façon dont ils sont faits ! Je me demande toujours si c’est l’explorateur qui a ce talent ou bien si il était accompagné d’un peintre… Mystère !
Il faut dire que je suis dans ce milieu depuis toujours. Mes deux parents sont biologistes, botanistes de formation, j’ai été éduqué avec tous les noms latins des plantes et des espèces endémiques. J’ai grandi au Canada et jusqu’à mes 14-15 ans, je passais tous mes week-ends à faire des excursions en montagne.
Donc j’ai voulu faire de mon album une sorte de jardin botanique, une promenade contemplative et offrir aux auditeurs un univers sonore particulier. Pour moi, ça allait de soi de proposer un dessins pour chacun des morceaux et ainsi avoir une sorte de voyage à travers Les Jardins Omni!
Qui a réalisé ces visuels ?
On a cherché qui pouvait dessiner comme ces dessinateurs du 19e siècle. Ce n’était vraiment pas simple de trouver quelqu’un ! J’ai même écrit au dessinateur du jardin botanique de Genève mais au final c’était trop technique… Et il y avait un trop grand décalage avec ma musique. On a donc cherché des artistes sur Instagram jusqu’à tomber sur un mec de Strasbourg, Jimy de Haese. Il a un style bien particulier. Étonnamment, il y avait un lien avec la texture de mes morceaux. Je l’ai donc contacté, je lui ai parlé de mon idée de dessins botaniques rétrofuturistes avec un décor inconnu et ça l’a motivé à fond ! Je lui ai fait écouter la musique et il a kiffé et donc il a dessiné au feutre les dix morceaux en les écoutant… et voilà le résultat !
Il y a peu d’instruments. On entend surtout un omnichord aux sons futuristes surannés. Peux-tu nous parler de ta rencontre avec cet instrument ?
La blague c’est que je ne possède pas cet instrument ! Au tout début du confinement, on a reçu un message du mec qui s’occupe de notre local de musique (basé dans une commune assez stricte) qui disait : « Attention, demain nous allons fermer à clé les locaux, vous n’y aurez plus accès donc si vous voulez reprendre vos instruments pour jouer à la maison, c’est maintenant ! »
Donc j’ai couru au local récupérer mes affaires et j’ai vu la boîte de l’omnichord qu’un copain avait laissé traîner dans un coin et je me suis dit que je n’allais pas laisser ce truc chelou pendant des mois dans un local inaccessible et que j’avais bien envie de l’essayer ! Et faut croire que j’ai kiffé cet instrument (rires) ! Malheureusement, je n’en ai toujours pas acheté un parce que c’est un jouet qui coûte cher actuellement…
Qu’est-ce qui t’as plu dans son utilisation ?
Ce qui est fou avec cet instrument c’est que c’est tellement simple ! Il n’y a absolument pas besoin de savoir jouer d’un instrument ! En vrai, tu composes un morceau en trois secondes ! Il y a sur la droite un clavier avec plein de petites touches, chaque touche représente un accord et il te suffit d’appuyer sur une touche et gratter une petite barre tactile qui imite les cordes d’une harpe et t’as un son trop beau d’une harpe dans l’accord que t’as choisi d’appuyer ! En plus de ça, il y a une petite boîte à rythmes intégrée qui te permet plusieurs rythmes différents et après, tu t’amuses des heures et des heures sans voir le temps passer !
Est-ce que ce projet pourrait être adapté pour la scène ?
Franchement oui ! Il faudrait prendre du temps et réarranger les partitions mais ça nécessiterait au moins 4-5 musiciens et pour l’instant je n’ai pas eu la force de me lancer là-dedans… Et aussi, je me demande si c’est une musique propice pour la voir sur scène. Comme c’est plutôt un style contemplatif, instrumental, je trouve plus agréable d’écouter ça le matin quand tu te réveilles, ou bien pour s’endormir la nuit, ou bien pour accompagner une balade dans la forêt ou quand il pleut et qu’on n’a pas envie de sortie de chez soi. Et donc je ne sais pas si l’ambiance « concert » correspondrait à cette musique ! Mais bon, je suis ouvert à tout…
Lorsque tu écoutes ton album les yeux fermés, quelles sont les images qui te viennent en tête ?
Héhé… les dessins aident déjà pas mal ! Mais en plus d’être un obsédé de la nature et de sa beauté incommensurable, je suis aussi passionné par la science-fiction ! J’aime trop voir comment les réalisateurs imaginent le futur et comment ils construisent leur univers. Si on mixe ces deux passions, le résultat donne des paysages vierges de mondes inventés dans certains films ou séries qui me font halluciner.
Dans l’univers, j’imagine plein de biotopes différents qui ne pourrait pas exister sur notre Terre. Donc quand j’écoute cet album, j’ai l’impression d’aller faire une balade dans la réserve naturelle de Mars, là où les martiens ont voulu conserver un espace sans aucune construction, aucune forme de technologie, ou sur la planète vierge de la 4e galaxie, les jardins des Piliers de la création, juste la nature d’une planète qui n’est pas la nôtre ! Et j’y vois des plantes impossibles, des arbres de 400 mètres de haut, des animaux bizarres, des couleurs inconnues, des insectes énormes et des mammifères minuscules, des reliefs qui défient la gravité des forêts de pierres phosphorescentes.
Peut-être que ce délire est mon médicament pour ne pas trop angoisser face à la plus grande catastrophe écologique de notre ère, alors que nous voyons notre nature mourir tout autour de nous et que les dirigeants de ce monde n’en ont rien à foutre.
Est-ce que tu as pensé sortir l’album sur vinyle ?
Oui… j’y ai beaucoup réfléchi et au fond de moi, je n’avais pas la confiance pour me dire que ce petit album méritait d’être pressé sur vinyle. Ça me paraissait bizarre et un peu mégalo. J’avais pensé faire des lunettes du futur avec un QR code sur les verres, ou bien un porte-clés en forme d’omnichord, un truc comme ça. Finalement, j’ai fait de magnifiques impressions de ces dix dessins. Les gens peuvent choisir leur préféré et en achetant l’illustration, ils reçoivent l’album en digital.
Contact : vonarx.augustin@gmail.com
Crédit Image : Cheptel Records