L’histoire s’est toujours méfiée de la photographie. Le début du 20e siècle la craignait. On la croyait capable de voler les âmes des sujets qu’elle immortalisait. 100 ans plus tard, la superstition est devenue bien réelle et n’importe qui peut se faire voler sa vie à travers une image qui revêt des allures de photographie. Ces derniers jours, on a ainsi découvert le pape François vêtu d’une doudoune de luxe, Emmanuel Macron devenu éboueur, ou encore Donald Trump en pleine arrestation au milieu de la rue: des images créées de toute pièce par l’intelligence artificielle. Et ça, c’est juste pour la rubrique people.
Des photos fake pour dénoncer les violences policières
Ces derniers jours encore, dans le cadre des manifestations contre la réforme de l’AVS en France, on a mis le doigt sur l’image d’un vieillard au visage ensanglanté, molesté par les forces de l’ordre, relayée par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux pour dénoncer les violences policières. Après enquête, l’AFP a pu démontrer qu’il s’agissait là encore, non pas d’une photo, mais d’une image créée de toute pièce par une IA.
De photographie à image d’agrément
Suivant son devoir de recherche de vérité, le monde du journalisme s’évertue généralement à démasquer ces photographies fictives. Mais certains décident de les inclure dans leur travail, à l’image du Blick, qui a utilisé une image produite par l’IA dernièrement pour illustrer un article sur une escroquerie vaudoise. Et c’est là qu’on met le doigt sur le nœud du problème, qui ne date d’ailleurs pas d’hier et qui concerne de nombreux médias: dans ce cas de figure, la « photo » n’est pas utilisée pour documenter un article, elle est agrément. Elle n’est plus là pour donner un aperçu du réel, mais pour donner envie à l’internaute de cliquer sur un article, un peu comme un filtre TikTok ou Instagram, qui unifie la peau et lisse les cheveux, agrandit les yeux et allonge les cils. Filtre qui finit par redéfinir le réel. En témoigne le recours à la chirurgie esthétique des 18-34 ans…
Risque pour l’humanité
Mais revenons au problème de la désinformation, exacerbé par la démocratisation des IA créatrices d’images telles que Midjourney ou DALL-E. On se rend compte aujourd’hui que de tels laboratoires constituent un « risque majeur pour l’humanité », selon la dernière pétition signée par Elon Musk himself, et les autorités de partout dans le monde se mettent à table pour tenter d’encadrer leur usage. – L’Italie vient d’ailleurs d’interdire ChatGPT sur son sol. – Mais il est sans doute trop tard. En 2023, les images sont toutes potentiellement menteuses. C’est tout ce qu’il nous reste à nous rappeler.
