Quand l’industrie du disque met les morts au travail. Tout de suite.

10 mars 2021

L’artiste écossaise Sophie, décédée le 30 janvier dernier, vient de sortir un nouveau single en collaboration avec l’Américaine Jlin, sur la compilation du festival polonais Unsound Intermission. Ce qui est follement intéressant ici, c’est l’aspect post mortem de la chose. On aurait pu s’attendre à ce qu’une fois passés les traditionnels hommages, Sophie verse dans la musique du passé. Et bien non, et ce genre de sortie musicale qui suit de près la mort d’un artiste est aujourd’hui omniprésent.

Pas le temps d’attendre l’album posthume

L’album posthume, ce n’est pas une nouveauté, Jimi Hendrix n’a jamais été aussi prolifique qu’après sa mort, et c’est la même sauce pour Otis Redding ou Jeff Buckley. Seulement, avant, on laissait le cadavre refroidir et on sortait les fonds de tiroir après plusieurs années, voire plusieurs décennies. Ici, c’est un nouveau schéma qui a émergé : on laisse quelques semaines de deuil pour permettre aux médias et aux fans d’être envahis par la mélancolie liée au décès, et puis comme par magie, on sort un single, un inédit. Une année plus tard, on propose un album avec ces pépites que personnes n’aurait jamais dû écouter.

Des dollars à la clé

Avec ce système ultra réactif, on surfe sur un double axe de séduction : on va chercher le public déjà acquis, qui veut sa dose de nouveautés, et on tente d’hameçonner ceux qui ont découvert l’artiste à sa mort. Un équilibre difficile, mais quand les ayants-droit et les producteurs l’atteignent, ça peut rapporter gros. « Circles », album post mortem de Mac Miller, a été présenté partout comme le disque lumineux qui aurait pu tirer le rappeur de sa noirceur, – ce qui rappelons-le n’a pas été le cas -, et le très décédé Juice World a réalisé le meilleur démarrage de vente d’albums l’année dernière aux Etats unis. Avec Sophie qui sort un nouveau single, on a comme l’impression qu’on a mis les morts au travail et que ce n’est pas demain qu’ils vont prendre leur retraite.

Photo: cover de l’album de Sophie Oil of Every Pearl’s Un-Insides