Guitar Drag

28 mars 2017

Imaginez le sud du Texas, un beau jour ensoleillé de 1999. Au bord de la route, un ampli est fixé sur le pont d’un pick-up noir.
Au bout de l’ampli, u
ne Fender Stratocaster branchée est attachée à une corde et traîne derrière le pick-up.
Le pick-up démarre. Les caméras embarquées sur le pont enregistrent la performance et le son qui s’échappe de la guitare qui traîne sur le goudron. Le nom de la perfo : Guitar Drag.

Cette performance recèle plusieurs dimensions ;

l’artiste américano-suisse Christian Marclay rend hommage à ses influences punk. Il démystifie l’objet ; cette guitare qui traîne sur l’asphalte. Il laisse à penser que ce n’est pas nécessaire de savoir jouer pour faire de la musique. Ensuite, on comprend que l’artiste évoque les rituels de destruction d’instruments si chers à Kurt Cobain, à la période punk-rock, et avant ça, aux artistes du mouvement Fluxus.

« Un puissant manifeste politique »

Mais quelques mois auparavant, c’est sur cette même route qu’un afro-américain,

James Byrd Junior, a été attaché par une chaîne à un pick-up par des suprématistes blancs et traîné sur plus de 3 kilomètres.
James est resté conscient sur la plus grande partie du trajet et les assassins ont jeté ce qui restait de son
corps près d’un cimetière afro-américain.

Christian Marclay a refait exactement le même trajet avec son pick up et sa guitare attachée.

La guitare devient donc le prolongement du corps de James Byrd.

 

Là où la guitare de Christian Marclay crie sur les aspérités du goudron, on imagine le corps de James Byrd qui est passé au même endroit.

« Un hommage au Blues »

La guitare est le symbole du blues qui est né de la souffrance du déracinement des noirs américains dans les champs de coton. En la laissant traîner derrière son pick up et pousser des longues plaintes électriques, Christian Marclay rappelle avec cette guitare que c’est tout un peuple qu’on tue.

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