C’est à Berlin que Propser (Temps Des Nuits) et Porte (Pierre Normal) ont formé Cardinales et enregistré leur premier EP, Element 27. En interview, ils nous parlent de leur fascination pour cette ville, avec ses souterrains et l’omniprésence du béton. Element 27 sort vendredi 17 avril chez Cheptel Records. En exclusivité, GRRIF vous propose la deuxième plage de l’EP, Korridor. À découvrir en fin d’interview.
GRRIF : Comment se passe ce confinement ?
Cardinales : Ce confinement se passe d’un grand nombre de choses, et c’est bien comme ça.
Vous êtes allés enregistrer votre EP Elément 27 à Berlin en fin d’année passée. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette ville ?
Cardinales est né à Berlin, parce que c’est là-bas qu’un interstice s’est ouvert pour que s’élabore son disque. Cela aurait pu se passer ailleurs, mais cela en aurait sans aucun doute profondément changé la forme et le propos. Cardinales s’est donc immiscé dans la situation qu’on lui proposait et s’en est retrouvé fortement imprégné.
Y a-t-il un lieu en particulier qui a déclenché un morceau sur cet EP ?
Cet EP est fait d’un vaste assemblage de lieux, de moments et d’esprits qui à leur manière, nous ont tous fascinés. Certaines de ces entités, bien sûr, se trouvent à Berlin ; pas toutes cependant. D’autres appartiennent au passé, n’ont jamais eu de futurs ou n’ont pas eu le destin qu’on leur promettait. Toutes sont particulières et, comme nous, parlent de leur époque et de la nôtre à leur manière.
En ce sens, être à Berlin a été particulièrement inspirant ; cette ville a joué un rôle majeur dans les sales blagues de l’histoire contemporaine. Elle en porte encore les stigmates et semble être une caricature plutôt représentative de quelques catastrophes modernes qui, comme une rampe de lancement, ont servi à cette nouvelle petite terreur qui nous échoit.
Ainsi en va-t-il des lieux que nous évoquons : à travers une Europe à l’appendice du millénaire, les bunkers d’Humboldhain, la station balnéaire de Binz nommée Prora, mais aussi l’operation Barbarossa/Fall blau, la coupole de Germania Hauptweltstadt et le pont de Morandi. Enfin, la Funkhaus, impressionnant bâtiment qui abritait la radio est-allemande et qui recèle désormais nombre de studios d’enregistrements, aura elle aussi empreint le projet. La pièce dans laquelle le disque a été réalisé par Martin Bernasconi (et mixé par Néné Baratto) se trouvait tout au bout d’un interminable couloir…
Sur cet EP vous parlez de la peur, du béton, de la propagande mais aussi du confinement. Drôle de hasard… est-ce que vous ressentez cet EP différemment aujourd’hui au vu de la situation ?
Un hasard… nous ne croyons pas vraiment que ce soit un hasard. Qu’il résonne autant dans l’actualité relève d’une part de chance – si l’on peut dire ; car bien sûr, nous n’avons personnellement eu aucune influence sur cet alignement. Mais s’il est vrai que nous n’y sommes pas pour grand-chose, nous ne sommes pas surpris pour autant. De toute façon, la situation était au bord de ce basculement depuis un certain temps déjà. C’est lui qui inscrit plus que jamais cet EP dans cette nouvelle normalité irrespirable déployée à l’échelle planétaire.
Est-ce que DAF est un groupe qui vous a influencé ?
Les influences, il n’y a pratiquement que ça dans la vie. Und ein bisschen Krieg !
Justement, quels sont les groupes qui vous ont influencés ?
Les influences sont comme les complices. On ne les donne pas comme ça…
Pouvez-vous nous parler du morceau Korridor ? Il y a quelque chose d’assez stressant dans ce titre…
Enfants, nous vivions dans un immeuble dont le sous-sol était équipé d’un impressionnant abri antiatomique. Nous avons parfois imaginé comment se passerait la vie, là en bas. Plus tard, nous y avons consumé quelques nuits d’errance lors d’explorations clandestines.
Puis, l’année dernière à Berlin, nous avons découvert le labyrinthe souterrain où la population s’était réfugiée pendant la Deuxième Guerre mondiale. Malgré la présence de bariolages fluorescents aux murs, lesquels avaient certainement pour fonction de distraire les enfants des drames qui se jouaient en surface, un puissant sentiment d’oppression continue d’habiter ces souterrains, alors même que leur entrée se cache au détour d’un banal couloir de métro.
Korridor devine un épisode qui se serait passé derrière l’une de ces portes. Deux personnes confinées; en haut, la guerre fait rage, mais touche à sa fin. Faut-il sortir, ou rester ?
Ce pourrait être aussi le récit de deux êtres emmurés dans leur petit appartement, qui n’osent plus sortir depuis très longtemps tant l’extérieur est devenu menaçant.
Pour terminer, un petit mot pour le Coronavirus ?
Du bist schön und jung und stark
Nimm dir was du willst
Nimm dir was du willst
Solange du noch kannst
Verschwende deine Jugend
Verschwende deine Jugend